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Vie de condo

Acheter un condo, ce n’est pas comme faire l’acquisition d’un bungalow ou d’un « plex ». Il faut savoir pourquoi on veut vivre en copropriété, assumer que la gestion de l’immeuble est l’affaire de tous les propriétaires et bien cibler son secteur, question de protéger son investissement. 

David Guay avait tout juste 23 ans lorsqu’il a décidé de quitter Sainte-Thérèse, dans les Basses-Laurentides, pour habiter à L’Île-des-Sœurs, dans son premier condo tout neuf. Il a tellement aimé ce mode de vie qu’il a, depuis, acheté deux autres condos dans son île avec sa conjointe Mylène Prandi.

« Nous en sommes à notre troisième copropriété en moins de 15 ans », raconte le copropriétaire âgé dans la mi-trentaine.

Inutile de préciser que le couple, qui a deux filles – âgées de 9 mois et 3 ans – a fait son nid dans l’immobilier en privilégiant la formule sans entretien du condominium.

« On n’a pas de cour gazonnée, pas de terrain à entretenir, racontent les copropriétaires. Si on veut aller jouer dehors avec les enfants, on a un parc en face de notre immeuble ; si on souhaite aller bruncher au centre-ville avec des amis, on prend les transports en commun. Il y a un arrêt d’autobus à proximité. Et on a la piscine ! »

Tous deux ne cachent pas que la décision d’acheter un condo en zone urbaine a été fortement influencée par la proximité des services et le lieu de travail. « On n’a pas besoin d’avoir une deuxième auto, et ça nous fait réaliser d’importances économies », estime le courtier d’assurances, à la tête de sa propre entreprise. Sa conjointe enseigne au primaire, à L’Île-des-Sœurs.

« À l’époque, il n’était pas question de me taper une heure et demie dans le trafic entre Sainte-Thérèse et le centre-ville pour me rendre à mon travail. C’était la même chose pour ma conjointe. »

— David Guay

Limiter les contraintes

Cette détermination à vivre avec le moins de contraintes possible a amené le couple à acquérir, l’an dernier, un plus grand condo, pour que la petite famille y trouve son compte, et l’espace requis.

« On a une vue superbe ! s’exclame David. On peut même voir le pont Champlain et la circulation dense aux heures de pointe ! » L’appartement de 1400 pi2, un penthouse, est niché au 19e étage d’un immeuble de 140 logements, « bien administré et bien entretenu », précise-t-il.

Le couple y a mis le prix : 455 000 $, en plus des rénovations qui se sont élevées à 50 000 $. « C’était un appartement qui manquait d’amour, avec des tapis roses, évoque le copropriétaire, en riant. On a tout remis au goût du jour et on est vraiment satisfaits du résultat. »

Un investissement rentable, le condo ? « D’après mon expérience, répond David, c’est le cas, jusqu’à présent. Ça me permet de vivre dans un environnement fort agréable, pour beaucoup moins cher qu’une maison. À L’Île-des-Sœurs, une propriété unifamiliale se vend facilement dans les 800 000 $. »

Il faut comprendre qu’il y est allé par étapes avant d’en arriver là. Il a acquis son premier condo pour 205 000 $ en 2004, qu’il a revendu cinq ans plus tard pour la somme de 323 000 $. « J’ai acheté au bon moment et au bon endroit », se félicite-t-il, après coup.

Cibler les bons quartiers

Mais voilà : tous les acheteurs de condo ne font pas nécessairement les bons choix quand vient le moment de s’installer en ville ou en banlieue.

« D’où l’importance, relève le courtier Robert Levy, du Groupe Immo MK, d’acheter dans des secteurs recherchés qui vont prendre de la valeur. »

Il constate néanmoins, comme bien d’autres courtiers actifs dans le marché de la copropriété, que les promoteurs ont « beaucoup trop construit » au cours des dernières années, avec le résultat que les prix ont fléchi dans ces secteurs engorgés.

« On peut parler de saturation dans certains marchés, observe le courtier qui vend des condos dans le sud-ouest de Montréal et à Côte-Saint-Luc, notamment. Ça complique la tâche des vendeurs qui doivent patienter plus longtemps avant de trouver preneur. »

TROP DE CONDOS À VENDRE ?

Au cours des dernières années, sous l’impulsion des promoteurs immobiliers, les condos ont poussé comme des champignons, tant dans les grandes villes qu’en banlieue, ce qui a fait exploser l’offre dans le marché de la copropriété au Québec.

Cette situation a tourné à l’avantage des acheteurs, qui ont l’embarras du choix au moment de négocier l’achat. Mais pour les vendeurs, c’est une tout autre histoire.

Bien que le marché montre depuis peu des signes encourageants, nombreux sont les copropriétaires qui continuent de taper du pied en signe d’impatience.

Le marché du condo demeure un marché à l’avantage des acheteurs. « C’est vrai que les ventes ont repris au cours de l’automne, concède la courtière immobilière Josée Raby, du groupe Sutton, et c’est une bonne nouvelle pour mes clients. Mais ça reste encore lent, surtout dans les banlieues. »

Chiffres à l’appui, elle note qu’à Sainte-Julie, au sud de Montréal, une cinquantaine de condos – inscrits sur le réseau Centris – demeurent invendus. À Brossard, là où les promoteurs ont construit massivement des condos autour du DIX30, environ 350 condos sont sur le marché de la revente, en ce début d’hiver. À Boucherville, ce sont près d’une centaine de condos qui sont à vendre.

Plus long, plus dificile

Au nord de Montréal, et jusque dans les Laurentides, le marché du condo reprend du tonus, « mais ça reste encore difficile », souligne, de son côté, la courtière immobilière Lysanne Légaré, chez Royal LePage.

« Il se construit encore beaucoup de condos, et l’offre reste élevée, ce qui a un impact sur les prix de vente des condos existants. »

— Lysanne Légaré, courtière

« À vrai dire, dans notre région, ajoute-t-elle, il y a nettement plus de demande pour un bungalow plain-pied que pour un condo. Les acheteurs sont plus prudents quand vient le temps d’acheter un condo. Ils posent des questions sur les frais de copropriété et le fonds de prévoyance. »

Signe encourageant, toutefois : au cours de la dernière année, le nombre d’appartements en copropriété inscrits sur le réseau Centris a diminué, passant de 1843 à 1706, et les délais de vente ont été écourtés de 20 jours, en moyenne. Par exemple, il faut maintenant compter 178 jours pour inscrire le mot « vendu » sur sa pancarte, si on est propriétaire d’un condo dans les Laurentides (jusqu’aux limites de Sainte-Agathe-des-Monts).

Des marchés fort différents

Pour sa part, le courtier Jean-Marc Léger, chez Via Capitale, note de nombreuses variations de prix et de délais de vente dans le vaste marché de la copropriété.

« C’est difficile de tracer un portrait précis de la situation, convient-il. Dans certains quartiers de Montréal, ça se vend très bien, et très rapidement, surtout si le condo est situé près d’une station de métro, tandis que dans d’autres endroits de la ville, ça tourne au ralenti sans qu’on comprenne pourquoi. »

« C’est un véritable problème, soulève le courtier. Il y a eu trop de constructions, et les vendeurs mettent parfois deux ans avant de conclure une transaction. »

En banlieue, c’est plus compliqué, constate le courtier. « Je dirais même qu’il y a un nombre plus élevé de condos à vendre, per capita, que dans toute l’île de Montréal, dans certaines villes de la périphérie », relève Jean-Marc Léger.

Dans ce contexte, il n’hésite pas à conclure que l’achat d’une copropriété, dans un secteur où l’offre est surabondante, peut s’avérer un investissement négatif, du moins à court et à moyen terme.

Ce texte provenant de La Presse+